Vaccins ARN, clowneries versus Science

Après une première série consternante sur la vaccination bourrée d’erreurs qui n’ont jamais été rectifiées,  malgré l’annonce qui avait été faite sur ce point par Thierry Casasnovas lui-même ; surgit tout à coup la menace d’un nouvel épisode sur la vaccination contre la Covid-19. Choisissez une musique de fond dramatique qui fait très peur. 

Regardons d’abord ce court extrait : 

Ca y est j’ai planté le décor, créé le climat de ma chanson, ça sent la peur ça pue la mort. J’aime bien c’t’ambiance. Pas vous ? Ah bon. (Renaud, les aventures de Gérard Lambert) Mais ne nous égarons pas, revenons à notre Gérard. “Y a un putain de tsunami une vague qui est en train de nous arriver sur la gueule avec les histoires de vaccination pour le coronavirus qui sont les premiers vaccins à ARN”

▶️ Ca fait peur. 

C’est à dire des vaccins qui vont venir carrément modifier ton code génétique”

▶️ Le code génétique, c’est la table des correspondances entre les triplets de nucléotides de l’ADN (par exemple ACG ou GTC…) et un acide aminé (genre thréonine ou valine).

▶️ Ce dont le Monsieur essaie de parler là, c’est du patrimoine génétique. OK. 

Est-ce que ça veut dire que ça modifie le patrimoine génétique ? Attention, recherche Wikipedia… « Le patrimoine génétique se transmet génétiquement de génération en génération » Mais ce que nous donnent nos parents… C’est de l’ADN non ? Hé oui. On a été optimiste sur l’utilisation de Wikipédia. 

Nous verrons plus bas ce qu’il en est vraiment de l’ARN qui modifierait l’ADN. 😉

 “la vraie arme c’est l’éducation” nous rappelle Thierry Casasnovas dans ce même épisode  ….

▶️ Soupir. 

On va vous proposer un vaccin ARN mais qu’est ce que ça veut dire ? C’est quoi l’ARN ? C’est quoi l’ADN ?

▶️ Dans nos cellules, notre patrimoine génétique est transmis sous forme d’ADN, c’est le plan de construction de notre organisme disons. Seulement ce plan de construction n’est pas directement accessible par les ouvriers (les ribosomes par exemple). Les brins d’ADN n’ont pas le droit de sortir du noyau! Du coup, on les duplique sous forme d’ARN, un messager qui va sortir du noyau et permettre de diffuser le plan. La cellule va donc « transcrire » (une sorte de copie papier calque si vous voulez) des portions de notre ADN sous forme d’ARN qui pourra être accessible à ces ouvriers.

▶️ L’acide ribonucléique (ARN) est un acide nucléique qui peut être considéré comme un cousin de l’acide désoxyribonucléique (ADN). Quelle différence entre les deux ? D’un point de vue chimie, c’est pas fou : tout le monde visualise bien la double hélice d’ADN, les grandes barres latérales qui soutient les « barreaux de l’échelle » s’appellent le « squelette désoxyribose-phosphate » dans l’ADN, car c’est une succession d’un sucre, le désoxyribose, reliés à son voisin par une liaison phosphate. Sur le sucre on retrouve également une « base azotée » qui peut être adéinine, cytosine, thymine ou guanine (A, C, T ou G). Sur l’ARN, ce squelette est du ribose-phosphate, le désoxyribose est remplacé par du ribose et la thymine est remplacée par un uracile (T devient U).

▶️ Ces petites différences rendent toutefois l’ADN beaucoup plus stable chimiquement. C’est pour ça que c’est lui qui est transmis dans le temps : il dure là où l’ARN a une durée de vie de quelques minutes à quelques jours.

▶️ Autres différences majeures : l’ADN reste dans le noyau, l’ARN peut se trouver dans le noyau et/ou le cytoplasme selon là où on a besoin qu’il soit lu par les ouvriers. L’ADN est double brin chez nous (la double hélice) alors que l’ARN est simple brin (que la moitié de l’échelle, une grande barre et des demi-barreaux)…

▶️ Voilà. Maintenant qu’on sait ce que c’est, peut-on continuer ?

Mais on sait pas ! Le mec y t’enfume ARN X28 ! ” …….

▶️ Quoi l’ARN X28 ?! Qui a parlé d’ARN X28 ? On se demande qui essaie de nous enfumer sur ce coup là.

▶️ On sait pertinemment ce qu’est un ARN. N’importe quel biochimiste ou biologiste moléculaire saura en tartiner des pâtés,  et il existe de super bouquins sur le sujet.

▶️ Mais peut-être, par exemple, Thierry Casasnovas essaie-t-il de parler ici de l’ARN 28S qui est compris dans la grande sous-unité 60S du ribosome eucaryote ? T’as pas compris la dernière phrase ? Alors peut-être n’es-tu pas la personne la mieux placée pour nous expliquer comment fonctionne l’ARN. Oooops.

 On sait pas ce qu’il y a dedans !”

▶️ Alors ça, on veut bien  concéder qu’à l’heure actuelle, on n’a pas (encore ?) accès à la séquence exacte de l’ARN contenu dans le vaccin.

Sans parler des doutes légitimes qu’on peut avoir quand on nous dit on va vous injecter un produit qui est capable d’aller modifier votre code génétique […]”

▶️ Bon, on a vu plus haut que Thierry Casasnovas ne  sait pas ce qu’est le code génétique… Admettons, notre patrimoine génétique. Notre ADN quoi.

▶️ Oui oui, on va voir si on modifie le patrimoine génétique, nous n’avons pas oublié, ne vous inquiétez pas.

“ […] de manière à ce que vous puissiez dans un premier temps produire vous même des anticorps contre le coronavirus.”

▶️ Soyons bien clairs sur comment ça fonctionne : l’ARN contenu dans le vaccin permet à nos cellules de construire une protéine virale du SARS-CoV-2 : la spike. Elle seule hein, il ne fait pas tout le virus. En gros, il donne le plan de construction de la Spike à nos cellules, on dit qu’il « code pour la Spike ».

▶️ Les cellules dans lesquelles l’ARN va rentrer vont donc construire la Spike et montrer ce qu’elles ont fait au système immunitaire. Celui-ci croira à une infection virale et apprendra à reconnaître cette Spike en faisant des anticorps spécifiques, mais en entrainant aussi des cellules cytotoxiques adaptées.

“Mais à partir du moment où on vient modifier ton code génétique, ça veut dire qu’on apporte de l’information pour que ton code génétique soit altéré.”

▶️ Allez, Gérard, tu vas y arriver, on ne modifie toujours pas ton CODE génétique. Les profs de SVT en PLS.

 “Mais qu’est ce que c’est qu’on apporte comme information ?”

▶️ La séquence codant la Spike. Mais toujours pas dans ton patrimoine génétique hein, panique pas. On l’a déjà dit, l’ARN il SORT du noyau, il n’y rentrera pas pour aller se coller dans l’ADN, parce que les ARN viraux ne font pas ça, ils préfèrent se faire traduire en d’autres virus qui vont sortir de ta cellule comme des Gremlins après avoir été mouillés, plop plop plop.

 “Parce que le mec il peut t’apporter de l’information pour le coronavirus, ah ouais mais en fait on a pensé que ce serait pas mal d’ajouter 2 ou 3 infos j’ai oublié de vous en parler, mais ces infos là, ça sera utile pour les années à venir, juste qu’on a profité d’avoir une seringue et ça c’est quand même craignos tu vois”

▶️ Nous aimerions beaucoup répondre, mais nous n’avons aucune idée de ce que cette… « phrase » veut dire. Mais inventer des dangers fictifs inexistants pour conclure que « c’est craignos », on pourrait y voir de la manipulation.

▶️ Et n’oublie pas, tu ne sais pas ce qu’est le code génétique. Si tu veux faire de l’éducation ainsi que tu le dis, ça peut être important d’être précis ! Allez, c’est parti. 

L’idée court pas mal en ce moment que l’ARN pourrait être intégré dans l’ADN de la cellule hôte après transcription inverse. Pour cela, il faudrait qu’un rétrotransposon soit allumé dans la cellule cible, ou que celle-ci soit sous le coup d’une infection simultanée par un rétrovirus.

1️⃣ La transcription inverse

Là encore, ce n’est pas aussi simple. Prenez l’ARN du vaccin, mettez-le avec une transcriptase virale dans un tube, avec des nucléotides, de l’ATP et tout ce que vous voulez et… il ne se passera rien. Pourquoi ? Parce que le virus n’a pas vocation à faire une transcription inverse de la quantité folle d’ARN présents dans une cellule. Il faut bien visualiser que nos cellules sont chargées à bloc d’ARNs, qu’ils soient messagers (ARNm), utilisés par la machinerie (ARN de transferts ou ribosomiques par exemple), régulateurs (ARNsc par exemple)… Et le virus il s’en contrefout de faire transcrire tout ça en ADN. Non, lui c’est son génome qu’il veut faire transcrire (même si en labo, dans un tube, on peut contraindre une transcriptase virale à faire une transcription inverse d’un ARN messager). On va voir comment un peu plus bas.

Les ARN viraux qui subissent une transcription inverse ont besoin d’avoir une amorce pour initier la transcription. C’est un petit bout d’acide nucléique qui va coller sur le génome viral vers une des extrémités. Le virus peut utiliser un ARN de la cellule hôte (bien souvent un ARNt [1]), un truc encodé par le génome viral lui-même si c’est un ARN positif, donc lisible par les ribosomes directement, soit encore en se repliant sur lui-même [2, 3]… Or là, on n’a rien de tout ça. Donc a priori, déjà là, c’est un coup dur pour l’idée que cet ARN pourra subir une transcription inverse vers l’ADN.

Autre point, les rétrovirus ont souvent besoin que leur capside complète soit présente pour initier la transcription inverse [4-6]. C’est l’ensemble de la structure virale qui doit avoir sa cohérence pour que la RT puisse avoir lieu convenablement, probablement parce que c’est cette capside qui 1) maintient en place et en proximité les différents éléments participant à la transcription inverse et 2) qui protège les éléments viraux (incluant l’ADN et l’ARN) des nucléases cellulaires.

Or il semble au mieux improbable qu’un autre virus présent dans la cellule encapside l’ARN du vaccin. En effet, il faut des séquences bien particulières pour conduire à l’encapsidation d’un ARN [7]. les séquences entre les deux virus étant probablement suffisamment différentes pour ne pas déclencher l’encapsidation de celui-ci.

Mais un autre élément important pour permettre une transcription inverse efficace, c’est la structure secondaire/tertiaire des ARN. Si les extrémités de l’ARN n’ont pas une structure définie, la transcriptase ne pourra pas réaliser sa transcription inverse, même si ce n’est pas cette structure qui sert de primer [3]. Or une structure donnée dans un ARN ne peut lui être conférée que par sa séquence du nucléotides qui va se replier sur elle-même et créer des sortes de boucles. Un autre point limite dans l’hypothèse que cela puisse arriver « par chance » et aussi facilement que certains le suggèrent.

On notera qu’il a été rapporté dans la littérature [8] que le génome ARN de certains virus peut être transcrit en ADN par la cellule. Et notamment par des rétroéléments présents dans la cellule (des sortes d’anciens rétrovirus qui cohabitent avec nous et s’activent ponctuellement). Outre le fait que ce phénomène semble rare, les ADN retrouvés sont dans le cytoplasme (et donc pas dans le noyau où se trouve notre ADN à nous), dans les cellules en fin de vie (donc cet ADN sera détruit) et, surtout, les séquences qui ont été transcrites dans ce contexte-ci sont des séquences virales complètes, potentiellement sélectionnées au cours de l’évolution… Loin d’un simple ARN messager créé en laboratoire pour simplement exprimer une protéine.

A ce stade, on peut déjà estimer à faible le risque de trouver cet ARN messager transcrit en ADN dans nos cellules. Mais il reste une étape clé.

2️⃣ L’intégration

Maintenant, imaginons que notre ARN ait, par une chance si faible qu’elle confine au miracle, été transcrite en ADN double-brin, et même que cet ADN se retrouve dans le noyau (ce qui n’est pas gagné, comme le montre le papier de Scientific Reports [8]).

Hé bien les chances (ou risques) qu’il soit intégré restent, au mieux, minimes. En effet, pour qu’une intégrase virale insère un ADN dans le génome, il faut que ce morceau d’ADN linéaire double brin présente des séquences consensus « att » à ses deux extrémités [9]. Ce sont ces séquences qui seront reconnues par l’intégrase et qui conduiront à ce que ce morceau d’ADN soit intégré dans un de nos chromosomes.

Et cette séquence, qui varie en fonction du rétrovirus considéré, se trouve dans les extrémités des ARNs (et donc des ADNs viraux). Encore une fois, ce n’est pas un truc qui se fait au hasard, il y a un mécanisme précis en jeu derrière et il n’y a aucune raison de penser que les ARN messagers des vaccins vont posséder lesdites séquences…

3️⃣ Conclusion

Pour que cette intégration se produise, comme cité dans cet article :

– Il faudrait qu’un rétrotransposon ou qu’un rétrovirus soit actif dans cette cellule où pénètre l’ARN.

– Il faudrait que l’ARN du vaccin fixe un tRNA cellulaire ou un élément endogène du virus présent en guise d’amorce, avec une complémentarité due au plus pur hasard.

– Il faudrait que l’ARNm vaccinal ressemble suffisamment à celui du virus présent pour permettre une encapsidation afin que la transcription inverse puisse avoir lieu.

– Il faudrait que la partie entre l’endroit où se fixe cette amorce délimite une extrémité ressemblant à une séquence faisant partie d’un LTR du virus présent par pur hasard.

– Il faudrait que cette que cette séquence ait une structure secondaire précise pour décrocher la transcriptase et son brin néosynthétisé et qu’il aille se fixer de l’autre côté de l’ARNm vaccinal qui ressemblerait à une autre extrémité d’ARN viral pour recruter la transcriptase à cette nouvelle extrémité.

– Il faudrait, même si tout ça arrive, que ces extrémités ressemblant au virus présent par pur hasard possèdent la séquence de recrutement de l’intégrase du virus présent aussi à ce moment là.

– Il faudrait que tout ça se passe dans le noyau (!) ou que cela se passe dans le cytoplasme, auquel cas il ne faut pas que l’ADNc néosynthétisé soit détruit par les DNAses cellulaires.

– Et même si, au terme de cette longue série de conditionnels, il se trouvait que par le plus grand des hasards, par le plus infime des impondérables, un fragment d’ARN modifiait l’ADN d’une cellule. Et bien il ne modifiera l’ADN que d’UNE cellule. Une cellule sur des milliards. Une cellule anormale qui serait très probablement détruite ou qui deviendrait incapable de se multiplier. La belle affaire. Ce genre de chose a lieu tout le temps, partout dans notre organisme. Rappelons en passant que les mêmes personnes recommandent allègrement les bains de soleil, sans protection, alors qu’on sait que les rayons UV eux sont des agents mutagènes avérés, et vont modifier l’ADN de tout un tas de cellules de votre peau, et ce, de manière hautement plus probable.

Donc, même si on admet que le risque existe théoriquement, il est si faible qu’il pourrait bien n’avoir aucune réalité biologique ou clinique. Et s’il se produisait, ses effets seraient très certainement négligeables.

Sources

1) https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC136713/

2) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9774699/

3) https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC253503/

4) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/14602716/

5) https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3073334/

6) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11991995/

7) https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK19418/

8) https://www.nature.com/articles/srep05074

9) https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC114042/

Cet article a été rédigé avec le concours de l’excellente page Bioweb.blog !

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