Casasnovas, Pfizer, McDonald’s et Bolloré : ce qui se cache derrière le magazine RGNR

Au cours de l’année 2021, on a pu assister à un repositionnement de la part de Thierry Casasnovas. Le vidéaste hygiéniste visé par une enquête pour mise en danger de la vie d’autrui a délaissé Youtube. Il faut dire que la plate-forme américaine commençait à regarder d’un peu plus près son contenu et le menaçait de fermer sa chaîne si la désinformation continuait. Moins exposé, capitalisant sur une audience d’un demi-million d’abonnés construite en dix ans, il a choisi de recentrer son audience autour d’un noyau dur de fans en poursuivant ses activités sur le confidentiel Telegram. Sur ce réseau non modéré, il partage depuis quelques mois des recettes et des petits enregistrements sonores de sa voix, reprenant la colonne vertébrale de sa doctrine. Cela lui permet de conserver une relation de proximité avec ses fans, pour ne pas être oublié et bien rester au centre du navire RGNR.

Mais si cette communication directe permet de fidéliser quelques dizaines de milliers de fans, ça ne fait pas tourner la boutique. Ainsi, Thierry Casasnovas a lancé le magazine Regenere : le magazine des vertus du vivant. Ce n’est pas la première fois qu’il s’essaye aux publications écrites, puisqu’au tout début de son aventure, il éditait un petit web-magazine, nommé “La Clameur”, gratuit et en ligne sur son site. Mais la gratuité n’est plus à l’ordre du jour avec le magazine RGNR, vendu à 15 euros l’unité et uniquement sur abonnement. Il faut dire que l’édition est soignée, les photographies et la mise en page dans l’air du temps. Pour atteindre cette qualité professionnelle et très rassurante, Thierry Casasnovas a confié la réalisation et l’édition de ce magazine au groupe Progressif Media.

Mais l’implication de Progressif Media va bien plus loin que la simple relation commerciale. On pouvait ainsi lire sur le site de l’entreprise qu’en plus de la rédaction, de la conception, de la direction artistique et de la promotion en ligne de ce magazine, Progressif Media avait aussi pour mission “d’accompagner un influenceur digital dans le domaine de la santé et de la nutrition afin d’accroître sa notoriété.” Etrangement, après les remous médiatiques autour de Casasnovas en 2021, cette page a disparu de leur site mais est toujours accessible en archive. Mieux encore, la responsable du magazine Regenere présente Progressif Media comme leurs amis.

Plus étroits, les liens entre Casasnovas et Progressif Media sont aussi plus anciens. L’agence de communication a été co-fondée par un certain David Bonhomme. En 2018, pour la modique somme de 850 euros en formule premium, ce dernier vous proposait déjà d’aller écouter une conférence de Thierry Casasnovas intitulée « Comment être un leader en bonne santé ? » lors d’un bootcamp destiné aux leaders chrétiens.

Qu’est-ce qui cloche avec Progressif Media ? Selon certains internautes, un sous-domaine du serveur de Progressif Media redirigeait vers le site de Génération Identitaire, le groupuscule d’extrême droite dissout en 2021. D’après les informations de StreetPress, l’agence serait aussi en lien étroit avec “Les Corsaires”, des militants numériques menant des campagnes en ligne pour soutenir les entreprises acceptant de diffuser des publicités sur les médias ou les sites d’extrême-droite. Une contre-offensive assumée visant à torpiller les actions des Sleeping Giants, un collectif de veille qui lutte depuis des années contre le financement des discours de haine en interpellant publiquement les entreprises acceptant d’associer leur marque à des médias ou des émissions diffusant des opinions d’extrême-droite. Un des fondateurs de Progressif Media, Emile Duport, fait d’ailleurs partie des Corsaires. Il déclare aux journalistes de StreetPress : “Les deux sociétés partagent la même adresse courrier, une bonne partie de leurs employés et même « de nombreux projets »« 

Les Corsaires ont pour mission de mener une guerre numérique afin de pousser les entreprises épinglées par Sleeping Giants à continuer d’accepter de collaborer avec les diffuseurs de haine. Cet objectif assumé les a récemment conduit à prendre la défense de Pfizer et de McDonalds. On l’aura compris, l’idée ici est de s’assurer que les médias d’extrême-droite pourront continuer à se financer grâce à la publicité. En aucun cas il n’est question de défendre des petites PME locales ou des projets alternatifs cherchant à changer le monde. Cocasse quand on connaît les positions de RGNR et de Thierry Casasnovas sur Big Pharma et la malbouffe de voir son entourage soutenir ces géants de l’industrie pharmaceutique et de la restauration rapide.

Quelque chose de visiblement plus profond que ces discours de façade semble donc rapprocher Thierry Casasnovas et Progressif Media. Leur plus petit dénominateur commun est peut-être plus religieux que politique. L’agence de communication assume pleinement sa dimension religieuse, partenaires de “leaders chrétiens” et à l’initiative de weekends pour les “talents qui codent pour Dieu.” Ce qui n’est pas sans rappeler les propos de Thierry Casasnovas qui affirmait que Dieu parlait par sa bouche pendant l’enregistrement de ses vidéos.

Emile Duport, encore lui, était porte-parole de la Marche pour la Vie et “des Survivants”, deux mouvements anti-IVG. A l’époque, il avait été invité sur CNews où il affirmait que “l’avortement n’était pas un droit”, mais « qu’on avortait parce qu’on n’avait pas les ressources spirituelles et psychologiques d’affronter la dureté de la vie. »

Quand on sait ce que Thierry Casasnovas a pu dire de la place des femmes dans la société, de l’avortement ou de la contraception, on comprend mieux les liens idéologiques qui les unissent.

Rappelons également que le magazine Society avait révélé l’année dernière l’appartenance du promoteur du cru à la mouvance évangélique, ayant même proposé des baptêmes lors de ses « Rencontres de la Régénération. » Un festival en plein air pourtant censé promouvoir le mode de vie crudivore. Un prosélytisme déguisé sous des conseils détox que l’on retrouve encore aujourd’hui sur son fil Telegram et dans son magazine.

Parmi les groupes défendus par les Corsaires, on trouve CNews. Ce média “mainstream” (comme on dit parmi les adeptes de Casasnovas), appartient au groupe Vivendi dont l’actionnaire majoritaire est Vincent Bolloré. Empereur des médias, fossoyeur des Guignols et de l’information sur Canal+, ce très fervent catholique est aujourd’hui un soutien à peine dissimulé d’Eric Zemmour, ayant fait de ses chaînes un tremplin pour le candidat d’extrême-droite à la présidentielle. Pour en savoir plus sur l’éthique de M. Bolloré, on ne peut que vous recommander le documentaireVincent Bolloré, un ami qui vous veut du bien”, prix Albert Londres en 2017.

Vincent Bolloré, par l’intermédiaire de Vivendi, vient justement d’entrer au capital de Progressif Media à hauteur de 8,5%. Un rapprochement assez logique quand on voit la proximité idéologique des doctrines entre les équipes de Progressif Media et du milliardaire breton.

Résumons : le magazine de Thierry Casasnovas, chantre de la bienveillance et de l’amour de son prochain, pourfendeur du système médiatique, des fast-foods et des produits pharmaceutiques, est conçu par des “amis” prenant la défense des géants mondiaux de ces secteurs, s’opposant à la lutte contre les discours racistes et haineux, et travaillant pour une entreprise appartenant désormais au magnat des affaires Vincent Bolloré.

Il n’est pas certain que cela plaise à toute sa communauté.

Ajout du 27/01/2022 à 20h48 : après la fin de la rédaction de cet article, nous découvrons que l’émission Vrai ou Fake a réalisé un sujet sur ce dossier en interrogeant Emile Duport sur Thierry Casasnovas. Le voici :

Ajout du 28/01/2022 à 17h20 : Thierry Casasnovas vient de partager sur sa page Facebook un extrait du prochain numéro de son magazine contenant encore du prosélytisme chrétien. Nous avons donc ajouté la capture « Un rêve surnaturel » à notre article.

3 thoughts on “Casasnovas, Pfizer, McDonald’s et Bolloré : ce qui se cache derrière le magazine RGNR

Les commentaires sont désactives.